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Groupement paroissial de Villars les Dombes         

HOMELIE DE LA FETE DIEU A VILLARS DONNEE PAR LE PERE JF AMIOT

14 Juin 2010, 10:22am

Publié par Paroisse Catholique de Villars les Dombes

Voir l'Hostie - regarder le Christ

FETE-DIEU-2010 1492Depuis l'institution de l'Eucharistie par Jésus le soir Jeudi Saint et au fur et à mesure que se développaient les rites liturgiques entourant et voilant le mystère, le désir a grandi chez les chrétiens de voir l'hostie, sans intermédiaire. C'est en l'an 1200 que l'évêque de Paris, Eudes de Sully, fit paraître un décret demandant que le prêtre, après avoir prononcé les paroles de la consécration, "élève l'hostie de manière à ce qu'elle puisse être vue de tous". En cet âge de foi, les fidèles avaient faim de ce contact visuel avec le Seigneur au cours de la Messe. On raconte l'histoire de ce paysan exclu de l'Eglise à cause de sa mauvaise conduite, mais qui priait pour que les murs de l'église deviennent transparents afin qu'il puisse au moins voir de loin son Seigneur.

Et pourquoi désirer voir l'hostie ? Parce que sa contemplation, disait l'Evêque de Paris, constitue "un bel hommage de foi et d'adoration des plus salutaires pour les fidèles". Salutaire parce que : "les fidèles, en regardant tous ensemble le Corps du Christ, demandent ce qui est utile à leur salut". Et saint Albert ajoutait : "Montrer le Bien entraîne à vouloir et à faire le bien" Et qu'y a-t-il de meilleur que l'hostie sainte ? Le mot latin hostia veut dire "victime" et dans l'Eucharistie, l'hostie que nous voyons contient Jésus Lui-même dans son acte d'offrande qui nous rappelle son sacrifice sur la croix, sa vie livrée jusqu'au don du sang pour nous racheter. Dans la sainte Hostie il y a toute la Bonté de notre Dieu pour les hommes. Oui, telle est notre joie renouvelée à chaque Messe, et le motif de notre action de grâce spécialement en ce jour : dans l'Eucharistie, Dieu se fait proche. L'homme n'est plus seul. Notre Sauveur est présent pour nous défendre, nous relever, nous aimer !

Désirer voir l'Hostie n'est en rien comparable avec le voyeurisme de notre époque qui cherche à voir sans être vu. Le chrétien sait que le Seigneur le voit et il désire, en quelque sorte croiser son regard, au moins entrevoir le visage de Celui qui vient visiter son peuple. L'amour désire la vision. Toute la Bible exprime le désir - et aussi la crainte - du peuple d'Israël de voir Dieu. "C'est ta face, Seigneur que je cherche" dit le psalmiste. Et lorsque le Christ paraît sur terre, ceux qui entendent parler de lui désirent le voir comme ces Grecs venus à Jérusalem pour la fête de la Pâque et qui demandant à l'Apôtre Philippe : "nous voulons voir Jésus". Mais ce sont surtout ses disciples, ses amis qui sont tristes lorsque Jésus leur annonce son départ : "Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus." Comme les Apôtres, nous désirons voir Jésus parce que nous l'aimons et en le contemplant, nous apprenons de lui qui est Amour comment aimer à notre tour.

Mais une difficulté se présente : Comment pouvons-nous voir Jésus dans l'Eucharistie ? Car enfin ce que nous voyons c'est un petit morceau de pain découpé en forme de cercle ; or nous savons que Dieu n'est ni blanc, ni rond, ni réduit à quelques centimètres. Et lorsqu'au cours d'un temps d'adoration à l'église, un projecteur envoie un faisceau de lumière sur l'hostie, un regard simplement humain constate qu'il n'y a finalement rien d'intéressant à voir. C'est par la foi seulement que nous reconnaissons sous les apparences du pain, le vrai Corps du Seigneur. C'est en faisant confiance docilement à la Parole de Jésus prononcée en Son Nom efficacement par le prêtre : "Ceci est mon corps livré". Et si nous persévérons à fixer nos yeux sur l'hostie, si nous la préférons à tous les objets qui prétendent séduire notre regard dans le monde, et même dans une église, alors nous faisons un nouveau pas dans l'amour, car ainsi nous nous laissons saisir par Celui qui vient sauver nos âmes et embraser nos cœurs.

Devant un si grand mystère, on comprend que l'Eglise n'exhibe pas le Corps de son Maitre sans précaution. Elle le garde le plus souvent caché au tabernacle de nos églises. Et malgré une habitude qui s'est prise en certains endroits, la porte du tabernacle ne doit pas être transparente. Mais Jésus caché dans le tabernacle n'en est pas moins présent réellement, et chacun est invité à venir souvent lui rendre visite et l'adorer. C'est seulement lors de certaines fêtes, ou dans des grandes nécessités - et il est vrai que notre époque est un temps de grande nécessité - à condition qu'il y ait un nombre suffisant de fidèles pour l'adorer, que l'Eglise prévoit l'exposition du Saint Sacrement. Comme on comprend alors, les signes - bien pauvres comme tous nos gestes d'affection humaine, mais si expressifs pourtant - que l'Eglise multiplie autour de la Présence eucharistique : la lampe du tabernacle, les agenouillements, les encensements, les lumières, les cloches et les clochettes, les fleurs et les vases précieux, les ornements du prêtres et le voile huméral pour porter en procession, comme nous le ferons tout à l'heure, le Corps très saint abrité sous l'ombrelle ou le dais.

C'est que regarder le Corps du Christ n'est pas un exercice banal. Il faut d'abord baisser les yeux avant d'oser les lever vers la face adorable du Sauveur. Car de voir l'hostie consacrée dans les mains du prêtre à la messe ou dans l'ostensoir au cours de la procession ne nous servira de rien si nous ne regardons pas avec l'humble regard de la foi qui adore.

Mais pourquoi adorer ? diront certains. Si Notre Seigneur se rend présent sous les espèces du pain et du vin, c'est pour être mangé, non pour être regardé. Nous répondons : ce que Jésus donne à manger, c'est sa chair, c'est sa sainte humanité, c'est sa divinité, c'est Lui-même qui est Dieu et infiniment digne d'être adoré. Le geste de se nourrir de l'hostie dans la communion n'a aucun sens s'il n'est pas vécu dans l'adoration ; il peut être au contraire une profanation si nous ne discernons pas le Corps très saint du Seigneur. Jésus nous invite si l'on peut dire à nous nourrir de lui par les yeux avant de le recevoir sur nos lèvres. Ne dit-on pas que la maman dévore son petit enfant des yeux. Heureusement, elle ne le mange pas en réalité, mais il y a une communion qui s'établit entre elle et son petit à travers son regard d'amour rempli d'admiration. Et voici que l'adoration eucharistique nous exerce aussi à voir Dieu caché dans notre prochain créé à l'image de Dieu et devenu par le Saint Baptême temple de la Sainte Trinité et membre du Corps mystique du Christ. L'adoration eucharistique nous exerce enfin à contempler Dieu éternellement. Voir Dieu, face à face, c'est notre vocation ultime et définitive. En adorant Jésus Eucharistie, nous anticipons le Paradis.

Mais voici qu'une nouvelle question surgit : Pourquoi processionner ? Passe encore, dira-t-on, que les chrétiens adorent le Christ eucharistique dans leurs églises, c'est leur métier d'être ces adorateurs que recherche le Père, comme dit Jésus lui-même. Mais pourquoi sortir des églises et aller dans la rue, au risque de provoquer inutilement les non croyants qui sont les plus nombreux de nos jours ? Ne faut-il pas respecter leur incroyance ? Pourtant, même après le Concile Vatican II, l'Eglise, dans son rituel de l'Eucharistie, nous encourage : "Il convient - dit-elle - de conserver cette procession qui se fait chaque année du Corps et du Sang du Christ... là où elle peut être une manifestation commune de foi et d'adoration." Etant sauf le respect des justes règles concernant l'ordre public, il nous revient, à nous chrétiens, de rendre un témoignage public à la royauté eucharistique de Notre Seigneur. Toutes les rues de nos villes et de nos villages lui appartiennent. Et quand le Christ passe au milieu de nos maisons, dans l'humilité du Sacrement, il ne blesse personne. En donnant sa bénédiction à tous ceux qui veulent bien la recevoir, il vient aussi chercher pour les ramener dans le bercail de son Eglise les brebis perdues ou ignorantes, tous les enfants de Dieu dispersés.

Un jeune écrivain catholique a évoqué ce mystère de miséricorde en racontant sa participation à une procession de la Fête-Dieu en milieu urbain, traversant une rue mal famée de sa ville : "Dans l'ostensoir rayonnant, porté en tête par le prêtre, le Dieu d'humilité passait entre les maisons de passe et les magasins douteux. C'était son Amour qui descendait jusqu'au cœur blessé de la ville. C'était Jésus qui offrait encore sa Présence à la pécheresse publique. Car au passage de ce Client impossible, les prostituées s'inclinaient presque et les boutiqiers étalaient cette mine narquoise qui n'était que le masque de leur tremblement. La lunule contenant l'hostie était comme une loupe sur une page blanche. Comme si le Seigneur disait : "Oui, même si tu as saccagé le livre de ta vie, même si tu l'as souillé de toutes les turpitudes, voici que la miséricorde rembourse d'un coup ta dette, voici que se présente à toi cette page vierge où tout peut se reprendre à neuf et où ton sang d'encre sert à écrire la joie de Dieu." (Fabrice Hadjadj)

C'est Marie, la femme eucharistique, qui nous introduit le mieux dans ce mystère qui nous dépasse tellement. Elle sait qu'avant de voir son Seigneur, elle a été vue et choisie par Lui pour être sa Mère, son messager, son témoin fidèle. C'est pour elle que l'Apôtre Jean a célébré les premières Messes de l'histoire chrétienne. Que Notre Dame nous apprenne à regarder l'Hostie avec son regard à elle, rempli de foi et de gratitude ; que dans son cœur immaculé, nos âmes exaltent le Seigneur toujours présent dans son Eucharistie, que nos esprits exultent de Joie en Dieu notre Sauveur.