Elle est belle. Non, elle est plus que belle. Elle est la vie même dans son plus tendre éclat d’aurore. Elle est belle en raison de cet amour dont elle se dépouille pour revêtir la nudité de l’enfant. Elle est belle en mesure de cette fatigue qu’elle enjambe chaque fois pour aller dans la chambre de l’enfant. Toutes les mères sont belles de cette beauté. Toutes ont cette justesse, cette vérité, cette sainteté. Toutes les mères ont cette grâce à rendre jaloux Dieu même – le solitaire dessous son arbre d’éternité. La beauté des mères dépasse infiniment la gloire de la nature. Une beauté inimaginable. La beauté, le Christ n’en parle jamais. Il ne fréquente qu’elle, dans son vrai nom : l’amour. La beauté vient de l’amour comme le jour vient du soleil, comme le soleil vient de Dieu, comme Dieu vient d’une femme épuisée par ses couches.
Les mères naissent en même temps que leurs enfants. Elles grandissent dans la vie en même temps que leurs enfants, et comme l’enfant est dès sa naissance l’égal de Dieu, les mères sont d’emblée au saint des saints, comblées de tout, ignorantes de tout ce qui les comble. Et si toute beauté pure procède de l’amour, d’où vient l’amour, de quelle matière est sa matière, de quelle nature est sa nature ? La beauté vient de l’amour. L’amour vient de l’attention. L’attention simple au simple, l’attention humble aux humbles, l’attention vive à toutes vies.
Christian Bobin, Le très bas, Extraits